lundi 30 avril 2012

Carnet 1 - Passage au Vietnam

Première étape: 02-02-2012 07h50
Hanoi-Hoi An : 1178.25 km, entre le 27 janvier et le 3 février.

Bonjour à vous, que j'ai fait patienter durant 15 jours. Voici le Premier carnet de mon périple entre Vietnam, Laos, Thaïland et Cambodge...

Et pour ceux et celles qui préfèrent la video à la lecture, un résumé en cliquant sur ce lien:

http://youtu.be/GBeFEpnIZf0

(Sur une chanson de Train Des Gens, avec le grand chevelu Laurent Chieze et la Moumoute en lapin Julia Hoffmann, la mise en scène de Dominique Lambert, à la Lumière et le son: Nicolas Bedois, spectacle qui sera joué à Anglet le samedi 15 avril, aux Ecuries de Baroja. Mes Pensées asiatiques à toute l'équipe d'ailleurs.)

Carnet 1 - Passage au Vietnam

Hanoi : capitale du Vietnam – superficie : 2 139 km².
Le nom de la ville se traduit par : "cité à l'intérieur du fleuve"

Ha = fleuve, Noi = en deçà) puisque la ville est bâtie entre deux méandres du Fleuve Rouge. Cette appellation officielle date de 1831.
Aéroport/ Centre ville d’Hanoi (30 km)
Hanoi – Ninh Binh : 95 km
Ninh Binh - Thanh Hoa : 60 km
Than Hoa – Vinh : 140 km
Vinh- vers Hué: 160 km



Plus bleu que le…
15°, vent léger, un crachin par intermittence mais aucune averse. Bonne condition générale pour pédaler.
Lundi 23 janvier. Entre le départ de la place Stanislas de Nancy et l’arrivée dans le centre d’Hanoi, je tiens entre les mains un Tigre Bleu tout propret et je porte des chaussures neuves assorties à mon félin pneumatique. Les deux sacoches accrochées au porte-bagages resteront près de moi dans l’avion. L’une contient mes affaires personnelles : autant dire le minimum ; dans la seconde se logent mes affaires de spectacle, une tenue noir et blanc, un chapeau rempli de « petits secrets » inculqués par le maître d’effets alias Figaro. Avant mon départ, j’ai eu droit à quelques séances de magie efficace.

Mardi 24 janvier. Atterrissage après 18 heures de vol, j’arrive enfin à Hanoi où je libère mon Tigre de son film plastique rouge. En deux temps trois mouvements, je place les deux roues, je remonte la selle, je me bats avec la chaîne qui s’est emberlificotée. Comment une double boucle est-elle possible ? Logique : en tournant autour de l’axe des vitesses, la chaîne dessine un huit. Si j’ai les mains pleines de graisse et d’huile, le vélo fonctionne. Il ne me reste plus qu’à gonfler les pneus… Ma pompe ? Sueur froide dans le hall de l’aéroport désert. Je l’ai oubliée, aucun souci. Le garage situé à 2 km me dépanne. Mes pneus sortent de l’apnée, ils respirent de nouveau. Je leur ressemble : je suis gonflé à bloc. Prêt ? Viet Nam, Laos. 3 000 km (?) :

le voyage commence.

Hanoi : tigre et dragon
Selon la légende inscrite dans mon dictionnaire cyclopédique :Un jeune pêcheur attrape en mer dans ses filets une lame d’épée sans manche qui porte gravée l’inscription » Selon la volonté du Ciel ». Il l’offre au fils d’un très riche personnage qui, après des recherches, retrouve le manche de la lame. L’épée ainsi reconstituée servira pendant une dizaine d’années à ce notable dans la guerre contre les envahisseurs. Mais dès la fin de la guerre, de son petit bateau il voit soudain émerger une tortue géante du fond de l’eau. Terrifié, le roi dégaine son épée, la brandit mais la tortue, très rapide et sans le blesser, la lui arrache des mains avec son bec puis disparaît pour l’éternité dans les profondeurs du lac. Lac Hoan Kiem porte le nom de cette légende : Le Lac de L'Epée restituée. Il y a quelques années, une énorme carapace de tortue abîmée par un coup d’épée a été repêchée. L’emblème de Hanoi : la petite pagode de la Tortue sur un îlot


Sur mon Tigre, j’entame les premiers 30 km pour gagner mon coin préféré de la capitale : à l’Est, le lac de Hoan Kiem. Je me poserai deux jours à Hanoi pour prendre le pouls de la ville et mettre mon estomac au régime asiatique. Soupe, nouilles, riz, légumes n’ont jamais été pour me déplaire. Après avoir déposé mes affaires dans un hôtel convenable avec eau chaude, wifi et clim. (détail important dans un pays humide), je sors pour m’imprégner de la fête du Têt. Le Têt, fête du nouvel an, mêle à la fois vivacité et sérénité. Les lampions multicolores qui bordent le lac éclairent la foule qui se promène le long de l’esplanade ; autour, sortis de je ne sais quelle ruche, les scooters se déversent sur les larges boulevards, vrombissent et zigzaguent entre les voitures ; un peu plus loin, les marchands d’énormes baudruches résistent au vent et se rivent au trottoir de peur de s’envoler; au-dessus de l’eau, à travers une fine brume, un cortège traditionnel s’avance sur le pont rouge illuminé qui mène à l’îlot sacré. Les danseurs et musiciens disparaissent comme un songe derrière les arbres. J’ai franchi le pont et je me suis mêlé aux visiteurs venus en grand nombre défiler devant la statue d’une énorme tortue à laquelle ils font diverses offrandes.
C’est l’année du dragon et l’histoire d’Hanoi est liée à l’animal fabuleux. Et l’une des meilleures représentations qui entretient ce mythe est le spectacle de marionnettes sur l’eau. Imaginez une scène « liquide » sous laquelle les manipulateurs viennent se placer et donnent vie à une succession de tableaux, évoquant les symboles de la vie vietnamienne : les rizières, le poisson, la pêche, les esprits des eaux, des forêts (champignons). Enfin apparaît le Dieu Dragon qui achève ce récit, mis en chant et musique par un orchestre. C’est évidemment un spectacle très… fluide, joué plusieurs fois par jour, mais la technique sous-marine de marionnettes n’en reste pas moins ingénieuse. De plus, la mise en scène colorée est « gorgée » d’humour, de passages cocasses et poétiques. Un très bon moment dans la ville en tumulte. Schuky peut passer son chemin…

Et à propos d’eau !
Direction de Hoï An. Escale à Vinh Binh
Le fait physique que notre peau se ramollisse sous l’effet de l’eau tient davantage à la survie qu'à un souvenir génétique à partager avec nos cousins batraciens. En effet, une peau élargie au bout des doigts et un corps frippé nous permettrait d'échapper à la noyade (d'après Science et vie) . Mais si j’ai les yeux bridés, le teint jauni et les mains palmées, cela tient plus à la pluie qui s'abat depuis mon départ d'Hanoi qu'à une volonté de me fondre dans le monde asiatique. A la fin des 92 kilomètres d’entrée en matière pour ce périple, c’est un Tigre marron que je gare et des chaussures "croûtées de terre" qui posent le pied. Les pluies ont rendu les routes boueuses.

Pour avoir effectué en 2011 une première traversée du Nord (Hanoi) au Sud (Ho Chi Minh), je savais qu’un passage au Vietnam signifierait :
1 circulation dense
1 route en dos de buffle : bossue
1 crevaison
1 risque de pluie
Qu'à cela ne tienne! Je vais bien. J’ai certes le tympan gauche agressé par les klaxons réguliers mais de toute évidence je me suis habitué au volume sonore intempestif : je ne me sens donc nullement concerné ; question montée, descente, nid de poule : ma selle contient du gel et j’ai les mollets chauffés par le baume du tigre : pas de mauvaise surprise ; mes deux pneus sont intacts, aucun clou est venu se planter dans ma chambre à air ; la température est de 18° et je porte des vêtements adaptés : polaire, coupe-vent… Je suis le roi du monde sur mon Tigre Bleu !

Optimisme obligatoire
Je vais bien, tout va bien. Mais au final ce dimanche soir, je suis trempé jusqu’aux os, la température a dû chuter de 6 degrés, j’ai des frissons. Les 50 derniers kilomètres avant Vinh traversent un « début de Vosges » et les nuages semblent s’y reposer pour baver un peu sur les cyclistes. Le froid de ma Polaire imbibée d’eau collera à la poitrine si jamais je m’arrête. Il ne faut pas que je ralentisse. Je fonce, je me concentre. Une pluie m’accompagnera jusqu’à mon prochain hôtel. Une arrivée sous une pluie battante, dans un hôtel bien tenu, sacoches couvertes de boue, et du haut de mes chaussettes au bas de mon short cycliste ruisselle une boue noire : dans ce genre de périple, le bas de pantalon se fabrique en pédalant. Une douche chaude, les vêtements avec, un « menu » soupe et riz, une nuit profonde, et tout rentre dans l’ordre. A part cela, je rencontre des sourires que je n’avais pas vraiment trouvés l’an passé vu mon état fébrile, un accueil chaleureux m’attend à chacune de mes haltes. Ce périple prend-il des allures de revanche sur le précédent ? J’ai flâné dans les rues d’Hanoi, les jours maussades et de pluies intenses je m’arrête, je visite et repose mes pneus, cela en écrivant. Un pays se ressent différemment d’un voyage à l’autre et dévoile ses secrets. Tout est question d’humeur.

Modes d’emploi séchage
La pluie, encore et encore, me pousse à trouver des techniques pour repartir 
les lendemains, reposé, en habits frais et secs. Tout d’abord trouver une chambre d’hôtel équipée d’une climatisation avec propulsion d’air chaud. Ou au pire un ventilateur. Ensuite, bien regarder si non loin du lieu se trouve une cantine, un restaurant local. Enfin, l’eau de la douche chaude, c’est mieux. Un détail, je paye immédiatement et récupère mon passeport et le range aussitôt au même endroit. Cela m’est arrivé de repartir sans, par oubli des hôteliers. Voici quelques exemples de techniques de séchage utilisées… ça ne manque pas d’imagination.

Même par temps froid, garder son sang... froid
Vinh- Duong Hoi: 160 km.

Après le 120ème km, les nerfs commencent à se mêler des affaires mentales qui ne les regardent pas. Quoi qu’il en soit, il faut garder la tête froide et les laisser à leurs miasmes. Surtout si l’on ne veut pas perdre de temps, économiser son énergie et arriver avant la tombée de la nuit. Si je vous raconte cela, ce n’est pas pour le plaisir de philosopher… Aux philosophes je préfère les sages.

121ème km, pleine montée. Tout à coup je me vois rejoint par deux scooters, conduits par des adolescents à l’haleine pénible, frelatée. Ils sont quatre, avec les passagers, à me parler dans un anglais aussi bancal que leur esprit. Quelques secondes après, je suis pris en étau. Bien entendu, ma jambe s’apprête à partir sur le côté mais rien ne m’y pousse. Soudain, un coup résonne dans mon dos ; sur la guitare en bandoulière – la pauvrette, une casserole qui pourrait résister à un marteau vue son épais bois ! Je me fâche verbalement. L’excitation a gagné le coupable, assis sur l’arrière du siège ; je freine, sans poser pied. Le scooter s’arrête. Notre jeunot descend. C’est alors que… j’accélère, le laissant idiotement debout. « Gamins ! Si vous vous attendiez à une rixe, c’est loupé ». Mon jeune pantin a gueulé de toute son ivresse mais j’ai poursuivi ma route. Quant à la seconde équipée, elle s’est excusée du comportement de ses congénères : il faut bien que l’adolescence abreuvée de frustrations passe. J’avais l’envie de ne pas gâcher ma journée avec une aussi ridicule situation et d’arriver à l’hôtel sain, sec et sauf.

Récompense
161ème km. La nuit tombe, je ne parviendrai pas à Dong Hoi ce soir et je stoppe Tigre Bleu devant la première Gnah Gni* venue (*sorte d’hôtel très modeste à la vietnamienne). Je pose les sacoches. Les propriétaires m’accueillent comme un extra-terrestre ; une fillette s’approche avec un grand sourire et me demande gentiment – à l’aide de signes et de mots murmurés, si je peux jouer de la guitare. « Celle qui s’est faite agressée ? me suis-je dit, au moins, ça la lavera de son choc. Et je vais faire mieux, je vais en profiter pour tester mon solo visuel burlesque de 20 minutes ce soir même ».

Une douche, un repas. Les préparatifs dans ma loge... ma chambre éclairée au néon jaunâtre. Je m'apprête. Je descends le grand escalier pour gagner ma scène... Je pousse les deux énormes fauteuils, je repousse la table. J'installe mon public : la mémé, les deux petites filles (8 et 12 ans), les parents. De quoi vais-je me plaindre? C’est mieux que certaines soirées d’audition à Paris. Et j’ai fait du « spectacle d’hôtel ». Content car soulagé de « mon truc » qui peut-être un jour sera un spectacle officiel. Une répétition publique fait progresser rapidement, la concentration étant à son maximum. De plus, l’ambiance était chaleureuse et les rires spontanés, entre le chien de garde qui aboyait aux moindres sons de guitare et les clients qui débarquaient. Cependant rien qui ne vienne perturber l’attention de mon auditoire, J’ai joué le jeu, je me suis amusé et j’ai fait plaisir. Je me ferai un bilan en tête à tête avec moi-même – comme le chante le narcissique M - demain sur mon vélo… « Passage » est en bonne voie. Je sais que je vais agrémenter mon solo de gags visuels et sonores, de quelques nouveaux accessoires. Ce spectacle va s'enrichir surtout des rencontres, des conseils, des retours. L’essentiel avant qu'il ne soit au point, est que tout rentre dans la sacoche gauche de mon vélo. C’est pour cela aussi que je commets ce nouveau périple, entre découverte et plaisir des rencontres.

Cette nuit, pour ne pas entendre le ronronnement du ventilateur qui sèchera partiellement mes habits, je vous écris en écoutant ARNO, « Brussel » et pour m’endormir : « Les caprices d’un fleuve » de et avec B. Giraudeau, musique composée par Jean Marc Bini.

Dvorjak en Asie

Duong Hoi - Dong Ha...

Soleil voilé mais aucune goutte n’entrave ma route et le moral non trempé vaut toutes les potions énergétiques : je fends un vent tiède de 20°, moyenne de 33 kilomètres/h. Les premières montées se font au rythme de la symphonie du « Nouveau Monde » d’Anton Dvorjak*. Aujourd’hui, mon premier record sur cette portion d’autoroute : 180 km et 6 heures de selle. A force de passer le jet d’eau pour décrotter la chaîne, le dérailleur et les câbles, la graisse et l’huile manquent, et le Tigre ne feule plus : il couine. * Bien entendu l’orthographe exacte de ce compositeur est Dvorak, sans « J », mais le français ne comporte pas de lettre « A » surmontée d’un accent.
Je roule. De part et d’autres de mon guidon crasseux, le Viet Nam m’ouvre son grand livre vert et m’offre ses rizières clairsemées de chapeaux coniques, de charrues archaïques et de buffles paisibles ; avec son lot d’aigrettes blanches qui s’envolent au lointain. Le paysage est magnifique, je lui souris. Ma façon de le remercier pour ce rêve éveillé.

Je roule. Dong Ha, Hué, je laisse d’autres villes derrière moi. A travers un massif montagneux, la route rejoint la mer : je file sous un temps clément, léger vent de face. 130 km avec une mise en cote sur quelques kilomètres puis deux autres plus hardues de 7% où je m’efforce de ne pas relâcher la vitesse. Les genoux chauffent, bientôt la fatigue me gagne : il est 18h. Une dernière halte s’impose avant la tombée de la nuit, le village s'appelle Lang Co; et cet hôtel fera l’affaire. Demain dès l’aube, j’expédie ces 75 km qui me séparent de la Dame d’Hoi An.

1178 km en 8 jours... Prochain Carnet : Hoi An - Passage au cabaret.

Ci-dessous, en mise en bouche: la video réalisée pour annoncer le spectacle à Hoi An...

Je pense à vous,

2 commentaires:

Pyerrot Prest a dit…

vraiment, ça marche les messages?

Jean Cabane a dit…

https://www.facebook.com/jean.cabane